Vingt-quatre heures sur 24, Céline* et son équipe surveillent les réactions aux articles en ligne de notre journal. Et font le tri.

A quoi ressemble le visage de la haine, à travers les commentaires des internautes du Parisien.fr ?

Il est essentiellement raciste, antisémite et antimusulman et s’en prend aussi aux migrants depuis cet été. Il voit aussi des complots partout. Les articles des rubriques Faits divers et Politique sont les plus visés. Je sais que ma journée va être très longue quand j’apprends que Christiane Taubira a démissionné ou qu’une boucherie musulmane a été mitraillée en Corse. Les commentaires homophobes sont aussi courants, mais bien moins qu’il y a deux ans, lors du débat sur le mariage pour tous.

Combien sont ceux dont les messages sont bannis ?

Quelques dizaines d’internautes haineux essaient de s’imposer sur les milliers de commentaires que nous traitons par semaine. Un internaute que l’on connaît très bien a par exemple posté 274 commentaires la seule semaine dernière… dont 67 % ont été supprimés avant publication. Ce type d’internaute, que l’on appelle troll commente tout et tout est prétexte à alimenter ses théories du complot.

Que disent ces messages que vous supprimez ?

Il y a toujours des insultes mais aussi un vocabulaire et une syntaxe de plus en plus lissés, une sorte de politiquement correct de la haine. On est alors davantage dans l’agression verbale que dans l’insulte. Plutôt que d’écrire «les Arabes dehors !», ce sera «On est chez nous». Leur technique consiste à argumenter longuement derrière un commentaire plutôt bienveillant pour tenter de «retourner la tête» de celui qui l’a posté. On retrouve alors une opposition franche entre ceux qui prônent le vivre-ensemble ou réagissent avec empathie aux sujets d’actualité et ceux qui tentent de propager leur idéologie, le plus souvent d’extrême droite.

Deux insultes par seconde

C’est à peine croyable mais, en 24 heures d’observation des deux principaux réseaux sociaux (Facebook et Twitter) ainsi qu’une demi-douzaine de forums de sites de journaux nationaux, plus de 200 000 insultes ont été identifiées.Soit deux par seconde. Cette analyse, réalisée par l’agence Kantar Media du 22 au 23 janvier, a permis d’obtenir une photographie des insultes sur Internet et d’isoler les termes les plus utilisés, essentiellement sexistes. Pour neutraliser ces nuisances, l’association Respect Zone, qui a commandé l’étude, a mis au point un logiciel permettant de remplacer automatiquement les insultes par d’innocentes émoticons, ces petites figurines jaunes d’expressions. «L’idée est de ridiculiser les haineux du Web, explique Philippe Coen, président-fondateur de Respect Zone. L’outil est à disposition des sites et réseaux sociaux qui souhaitent l’utiliser.»

source : Le Parisien