Avec son passé d’avocat spécialisé dans le droit de la concurrence et de la propriété intellectuelle puis de juriste d’entreprise au service de Walt Disney, Philippe Coen n’était pas vraiment prédestiné à lancer une initiative pour prévenir le harcèlement sur internet et la cyberviolence. Pourtant, quand son fils Nathan lui rapporte que ses condisciples ont créé un groupe sur Facebook pour moquer un de leurs enseignants au motif qu’il est noir de peau, il devine qu’il y a quelque chose à faire. Il le pressent d’autant plus que son fils ajoute avoir tenté, en vain, de susciter des réactions indignées autour de lui. Il reformule le problème: comment aider les internautes, à commencer par les jeunes, à prendre conscience de la toxicité de certains propos et comportements. Avec Nathan et son cadet Adrien, Philippe Coen improvise une sorte de « think tank », qui deviendra rapidement une association, « Respect Zone », et un label.

Composé de deux mains formant un cœur, ce label plaide le respect pour autrui. Chacun peut l’afficher sur son profil, ses bannières, ses pages ou son site, pour manifester qu’il applique les valeurs défendues par la charte Respect Zone, qui tient en quatre points: je respecte l’autre; je modère mes contenus; je modère mes espaces numériques; j’affiche le label. De la prévention active, sachant qu’en France, 40% des élèves du secondaire disent avoir été victimes de cyberviolence au moins une fois par année scolaire et que 6% affirment être harcelés de manière répétée. « Sur internet, on n’a oublié qu’une chose, explique Philippe Coen: y planter des panneaux de signalisation. C’est ce que nous faisons, poser de la signalétique dans le monde numérique. » Et cela fonctionne. Dans l’Hexagone, l’initiative fait tache d’huile. « Or il n’y a aucune raison de limiter cela au territoire français, poursuit le cofondateur: internet est présent partout. » L’Association a mené une première expérience en Belgique fin de l’an dernier. Elle a lancé le label à l’Institut Sainte-Union de Dour, 1.500 élèves, avec des résultats positifs.

La Médiathèque de Dour a suivi, le bourgmestre et les organisateurs du Festival de Dour s’y sont ensuite intéressés. Actuellement, les responsables de Respect Zone discutent avec Rachid Madrane, notre ministre de l’Aide à la Jeunesse et des Sports. Ils parlent aussi avec un grand opérateur télécoms belge ainsi qu’avec des agences médias. Car l’initiative s’adresse également au monde des entreprises, et des géants comme Microsoft ou Free l’ont déjà adoptée. Coen dénonce au passage la pratique des commentaires haineux sur les sites d’info et salue l’initiative prise par Roularta d’y renoncer une fois pour toutes. Pour soutenir l’implantation du label en Belgique, une ASBL vient d’être créée à Bruxelles, Respect Zone Belgium.

Il y a tout de même un rapport avec le métier de Philippe Coen: « On utilise le droit des marques au profit de la dignité humaine », dit-il. En déposant le label comme si c’était une marque, afin non pas de le monnayer mais de le protéger contre les abus. « On peut exiger le retrait du label pour contrefaçon si quelqu’un en abuse en ne respectant pas la charte. » Bien pensé.

Source : L’Echo