[:fr]LONDON/ROME (Reuters) – Le militant d’extrême-droite norvégien Anders Behring Breivik a échoué à provoquer un conflit racial avec les musulmans, mais il a réussi à alimenter les craintes autour de la stabilité d’une Europe de plus en plus multiculturelle.
Même si les méthodes employées par le tueur norvégien le rendent infréquentables aux yeux des courants politiques traditionnels, beaucoup de ses idées sont issues du giron des populistes anti-musulmans et anti-immigrants.
« Son ‘manifeste’ idéologique est une représentation distillée d’une crise culturelle qui se propage sur le continent européen et s’exprime dans un populisme de plus en plus xénophobe », analyse Kirsten Simonsen, professeur à l’université danoise de Roskilde, dans « Bloodlands », une série d’essais datant de 2012 consacrés à Anders Breivik.
Certaines convictions, comme celle qui veut que l’Europe et ses cultures indigènes sont affaiblies par l’immigration et le multiculturalisme, ont permis aux partis de droite du continent de se refaçonner depuis des années.
Ces opinions trouvent occasionnellement un écho aux marges des partis de centre-droit, parmi les hommes politiques qui courtisent le soutien des populations acculées par un chômage croissant.
Un sondage Ipsos MORI de juin 2012 portant sur les attitudes à l’égard de l’immigration a révélé que sur sept des neuf Etats membres de l’Union européenne interrogés, la majorité considérait que l’immigration avait eu un impact négatif sur leur pays. Seules, la Suède et la Pologne faisaient exception.
Les partis politiques classiques de centre-droit ont tenté de s’adapter à cette tendance, promulguant une série de mesures dans le domaine social qui ont parfois attisé les tensions dans la rue.
Selon Pepe Egger, directeur du bureau de prospective pour l’Europe de l’Ouest de l’institut de recherche britannique Exclusive Analysis, certaines des idées d’Anders Breivik sont partagées très largement parmi les militants politiques européens.
« La chose bizarre, c’est que ses idées, aussi islamophobes qu’elles soient, sont presque courantes dans la majorité des pays européens », a-t-il déclaré à Reuters. « La nécessité perçue de défendre l’Europe contre ‘l’islamisation’ n’est pas si éloignée de ce que l’on peut trouver dans les tribunes d’opinion d’une grande partie des journaux quotidiens. »
L’HOMME, NON SES IDÉES, ÉTAIT CRIMINEL
L’homme politique Mario Borghezio, membre du parti régionaliste et anti-immigration de la Ligue du Nord, a déclenché une vague d’indignation en déclarant à la radio, après l’attentat et le massacre perpétrés par Anders Breivik, que ce dernier avait certaines idées « excellentes ».
La Ligue du Nord a vivement condamné les propos de Mario Borghezio et l’a temporairement suspendu de ses rangs. Pourtant, un an après, l’avocat italien considère toujours que les positions d’Anders Breivik sur certains points sont séduisantes, en particulier ce qui est perçu comme la nécessité d’empêcher l’immigration musulmane en Europe et de combattre l’extrémisme islamiste.
« Toutes les idées (de Breivik) n’étaient pas criminelles. C’est l’homme qui s’est comporté d’une façon criminelle », a déclaré Mario Borghezio à Reuters.
L’homme politique italien incarne une tendance répandue parmi les groupes populistes opposés à l’immigration : l’utilisation du langage du contre-terrorisme occidental en lutte contre Al Qaïda pour mener ce qui s’apparente à une campagne culturelle anti-islamique.
Les commentaires de Mario Borghezio reflètent la position publique de beaucoup de réseaux d’extrême-droite européens : le sentiment que le continent est sous la menace des extrémistes islamistes et qu’il est trahi par une élite politique avide qui place la main-d’oeuvre musulmane bon marché au-dessus du bien-être économique de sa propre communauté.
Le multiculturalisme est une autre bête noire de l’extrême-droite, qui tend à le définir comme une tolérance excessive à l’égard des communautés immigrantes qui conduit au suicide culturel de l’Occident.
VIOLENCE EXTRÉMISTE DE DROITE EN EXPANSION
Dans un rapport de 2012, l’agence de police européenne Europol constatait que la menace représentée par l’extrémisme de droite violent avait « atteint de nouveaux niveaux en Europe et ne devait pas être sous-estimée. La menace viendra plus probablement d’acteurs isolés, mais les groupes organisés et clandestins ont également la capacité et l’intention de mener des attaques ».
Selon un article du chercheur Arun Kundnani, rédigé en 2012 pour le Centre international de lutte contre le terrorisme (ICCT) basé à La Haye, la violence de droite en Europe a été comparable aux exactions islamistes ces vingt dernières années.
D’après son décompte, depuis 1990, au moins 249 personnes sont mortes lors d’incidents imputables à l’extrême-droite en Europe et 263 personnes ont péri en raison de violences djihadistes.
Dans un rapport de 2012, l’organisation de lutte contre le racisme Hope Not Hate identifie plus de 100 groupes qui appartiennent, selon elle, à un mouvement se désignant comme contre-djihadiste et promouvant des programmes anti-islamiques en Europe, aux Etats-Unis, au Canada et en Australie.
Ces groupes, dont certains sont cités dans le « manifeste » d’Anders Breivik, ont remplacé l’ancienne rhétorique nationaliste et raciale des néonazis par le langage de la guerre culturelle, selon Hope Not Hate.
Un large déplacement européen s’opère depuis un racisme déclaré concernant la couleur de peau vers des préjugés visant la culture et la religion découlant en partie de la guerre menée par l’Occident contre Al Qaïda.
« L’ensemble de l’attention de l’activisme d’extrême-droite en Europe s’est déplacée de la race, de l’idée que ‘les Noirs sont inférieurs’, vers de plus larges questions d’identité », estime Ted Cantle, président du think tank The Institue of Community Cohesion.
Juliette Rabat pour le service français »
source: http://fr.news.yahoo.com/la-droite-europ%C3%A9enne-condamne-breivik-moins-ses-id%C3%A9es-145613795.html
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