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TRIBUNE
Expliquer sans interdire, tel est notre défi, et Mein Kampf est au centre de celui-ci. Interdire le livre est vain et contre-productif, reste à savoir comment diffuser ce texte chargé d’histoire et de sang de façon responsable.
La célébration de la Libération a un goût mitigé cette année. 1945, l’Europe se défaisait de la barbarie nazie. Soixante-dix ans après, Mein Kampf, lui, ressort de terre et perd du peu de contrôle juridique que le Land exerçait sur lui. Après soixante-dix ans, jamais la Libération, événement si déterminant dans l’histoire n’a semblé plus présent ; même si les témoins directs, les bourreaux, les victimes et les survivants sont de moins en moins nombreux. Même si le temps des polémiques semble loin, même si les débats historiographiques sur la période se font moins violents, la dernière grande guerre européenne demeure l’horizon de nos références et le cadre de pensée de notre futur. Car il reste bien des fantômes dont nous avons volontairement contribué à maintenir l’obsession. D’ailleurs, soixante-dix ans n’est pas un chiffre anodin : c’est la période après laquelle la mémoire s’étiole, et le négationnisme gagne en regrettable popularité. Dans le domaine de la propriété littéraire, soixante-dix ans au point de départ du domaine public du droit d’auteur. Or, l’un des auteurs les plus publiés du XXe siècle est mort, il y a, précisément, soixante-dix ans : Adolf Hitler s’est suicidé le 30 avril 1945 après avoir vendu 12 millions d’exemplaires de son autobiographie programme, Mein Kampf, progressivement utilisée comme efficace outil d’endoctrinement de masse à l’abomination guerrière, raciste et antisémite. Cela signifie que, en droit, au 1er janvier 2016, n’importe qui pourra republier Mein Kampf sans demander d’autorisation, et empocher les droits afférents aux ventes. L’Etat de Bavière, jusque-là propriétaire des droits, a officiellement annoncé qu’il n’utilisera pas son droit moral et son droit de suite, c’est-à-dire le contrôle sur l’intégrité du texte à lui dévolu par la loi.
Certes, Mein Kampf a connu une longue histoire depuis la mort de Hitler : il est encore diffusé, traduit et lu, réapparaît à intervalles réguliers comme un best-seller (en Turquie et tout le Moyen-Orient, en mangas au Japon, en Inde). En quelques clics de souris, on trouve le texte plus ou moins tronqué, et souvent encensé sur Internet. Des exemplaires de l’ouvrage ont été retrouvés au domicile de plusieurs grands tueurs en série. Réputé illisible, le livre pourtant «parle», voire tue encore.
Nous considérons qu’il est de notre responsabilité, à la fois pédagogique, juridique, politique, symbolique et mémorielle, d’anticiper l’arrivée deMein Kampf dans le domaine public. Pour cela, nous menons depuis plusieurs années une réflexion sur la diffusion des textes promoteurs de haine, sur la dissémination des discours prônant la discrimination, et aussi sur le rôle d’Internet et des réseaux sociaux dans tout cela. Il nous semble par ailleurs important de ne pas censurer ce document, sans pour autant en «encourager» sa diffusion, ni la limiter, mais nous ne pensons pas que ce livre puisse continuer sa «vie» sans un avertissement. C’est pour cela que nous estimons nécessaire d’encadrer toute diffusion par un avertissement concis – une décision de la cour d’appel de Paris, en 1979, avait déjà utilement enjoint un avertissement pédagogique d’une dizaine de pages en introduction de l’édition française. Les lecteurs à qui l’ouvrage sera proposé doivent pouvoir le lire en connaissance de cause, et être invités à mieux comprendre l’histoire et la propagande génocidaire. L’avertissement a vocation à rappeler aux éditeurs que republier un tel texte sous-tend une responsabilité particulière, et affirmer aux lecteurs qu’une lecture critique et historique de Mein Kampf demeure indispensable. Une dissémination non informée constituerait, à nos yeux, un acte apologique s’il est dénué d’un accompagnement explicatif et critique minimal. Il en va de l’éthique individuelle de chaque diffuseur ou rediffuseur (en ligne) du texte meurtrier.
Voir le texte complet de l’avertissement sur le site de l’Initiative de prévention de la haine (IPH) : www.hateprevention.org, ainsi que tous les signataires, parmi lesquels : Jean-Yves Camus Politologue et directeur de l’Observatoire des radicalités politiques (Orap)Dominique de Comble de Nayves avocat et ancien ambassadeur Dominique de La Garanderie avocat, ancien bâtonnier du barreau de Paris et Noëlle Lenoir Avocate, conseiller constitutionnel honoraire, ancienne ministre.
La célébration de la Libération a un goût mitigé cette année. 1945, l’Europe se défaisait de la barbarie nazie. Soixante-dix ans après, Mein Kampf, lui, ressort de terre et perd du peu de contrôle juridique que le Land exerçait sur lui. Après soixante-dix ans, jamais la Libération, événement si déterminant dans l’histoire n’a semblé plus présent ; même si les témoins directs, les bourreaux, les victimes et les survivants sont de moins en moins nombreux. Même si le temps des polémiques semble loin, même si les débats historiographiques sur la période se font moins violents, la dernière grande guerre européenne demeure l’horizon de nos références et le cadre de pensée de notre futur. Car il reste bien des fantômes dont nous avons volontairement contribué à maintenir l’obsession. D’ailleurs, soixante-dix ans n’est pas un chiffre anodin : c’est la période après laquelle la mémoire s’étiole, et le négationnisme gagne en regrettable popularité. Dans le domaine de la propriété littéraire, soixante-dix ans au point de départ du domaine public du droit d’auteur. Or, l’un des auteurs les plus publiés du XXe siècle est mort, il y a, précisément, soixante-dix ans : Adolf Hitler s’est suicidé le 30 avril 1945 après avoir vendu 12 millions d’exemplaires de son autobiographie programme, Mein Kampf, progressivement utilisée comme efficace outil d’endoctrinement de masse à l’abomination guerrière, raciste et antisémite. Cela signifie que, en droit, au 1er janvier 2016, n’importe qui pourra republier Mein Kampf sans demander d’autorisation, et empocher les droits afférents aux ventes. L’Etat de Bavière, jusque-là propriétaire des droits, a officiellement annoncé qu’il n’utilisera pas son droit moral et son droit de suite, c’est-à-dire le contrôle sur l’intégrité du texte à lui dévolu par la loi.
Certes, Mein Kampf a connu une longue histoire depuis la mort de Hitler : il est encore diffusé, traduit et lu, réapparaît à intervalles réguliers comme un best-seller (en Turquie et tout le Moyen-Orient, en mangas au Japon, en Inde). En quelques clics de souris, on trouve le texte plus ou moins tronqué, et souvent encensé sur Internet. Des exemplaires de l’ouvrage ont été retrouvés au domicile de plusieurs grands tueurs en série. Réputé illisible, le livre pourtant «parle», voire tue encore.
Nous considérons qu’il est de notre responsabilité, à la fois pédagogique, juridique, politique, symbolique et mémorielle, d’anticiper l’arrivée deMein Kampf dans le domaine public. Pour cela, nous menons depuis plusieurs années une réflexion sur la diffusion des textes promoteurs de haine, sur la dissémination des discours prônant la discrimination, et aussi sur le rôle d’Internet et des réseaux sociaux dans tout cela. Il nous semble par ailleurs important de ne pas censurer ce document, sans pour autant en «encourager» sa diffusion, ni la limiter, mais nous ne pensons pas que ce livre puisse continuer sa «vie» sans un avertissement. C’est pour cela que nous estimons nécessaire d’encadrer toute diffusion par un avertissement concis – une décision de la cour d’appel de Paris, en 1979, avait déjà utilement enjoint un avertissement pédagogique d’une dizaine de pages en introduction de l’édition française. Les lecteurs à qui l’ouvrage sera proposé doivent pouvoir le lire en connaissance de cause, et être invités à mieux comprendre l’histoire et la propagande génocidaire. L’avertissement a vocation à rappeler aux éditeurs que republier un tel texte sous-tend une responsabilité particulière, et affirmer aux lecteurs qu’une lecture critique et historique de Mein Kampf demeure indispensable. Une dissémination non informée constituerait, à nos yeux, un acte apologique s’il est dénué d’un accompagnement explicatif et critique minimal. Il en va de l’éthique individuelle de chaque diffuseur ou rediffuseur (en ligne) du texte meurtrier.
Voir le texte complet de l’avertissement sur le site de l’Initiative de prévention de la haine (IPH) : www.hateprevention.org, ainsi que tous les signataires, parmi lesquels : Jean-Yves Camus Politologue et directeur de l’Observatoire des radicalités politiques (Orap)Dominique de Comble de Nayves avocat et ancien ambassadeur Dominique de La Garanderie avocat, ancien bâtonnier du barreau de Paris et Noëlle Lenoir Avocate, conseiller constitutionnel honoraire, ancienne ministre.
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